EXTRAIT : Les créatures des rêves.

 

  Cette nuit encore, ils prononcent mon nom. Ils m’implorent. À la lueur de leurs torches qui brûlent sans se consumer, je peux même les apercevoir.

  Leurs incantations sont si puissantes qu’elles semblent se répercuter contre le ciel.

  Il semble aussi que je porte une force qui m’attire, moi, le rêveur, vers eux, comme si je devais les rencontrer enfin.

  Cependant, je ne ressens aucune crainte, aucune peur.

  Au moment où je lève la tête, je reconnais l’un d’entre eux. Il a un nom : Petit-Brice. Sa quête le mène jusqu’au Royaume des Vents. Je reconnais aussi ceux qui se tiennent derrière lui. Il y a là ce musicien génial frappé par la folle obsession des sonorités qu’il a à tirer de ses claviers ; une victime de la route en compagnie de celle qui le guide sur le chemin de sa mort et cet être d’avant Adam et Eve qui trouva l’arbre du Bien et du Mal. Et ce prisonnier dans un livre parmi des personnages d’une bande dessinée ; et ce poète fou dans une chambre d’Ailleurs. Et des femmes, des hommes, des enfants, des vieillards, ceux qui ne portent pas de nom, les figurants, les peuples de lointaines planètes, les humains et les autres. Ils sont tous là, nés dans mon esprit, évoluant dans mes histoires à dormir debout. Il y a même, dans cette foule, ceux qui n’ont pas encore été appelés et qui le seront peut-être un jour.

   Et ils attendent, tous, patiemment.

   Comme le grondement d’une tempête ou le fracas d’une guerre, leur millier de voix m’atteint brutalement.

Serge CHALAGUIER